04/02/2008
Hier matin (03/02), après avoir laissé mon sac à l’hôtel (Sara m’avait écrit un mot pour la réception), je trotte sous les palmiers des avenues désertes de Jinghong au lever du jour pour être à 8h au Forest cafe où Sara m’attend, la clé du rideau de fer à la main, tout en mangeant son riz aux légumes avec les baguettes (il faut le faire !).
On saute dans le minivan qu’elle a réservé et on va chercher à leur hôtel le couple d’étudiants (toujours sa barquette de riz à la main). Ils déposent leur gros sac, et on repart dans la brume par une route de campagne vers les collines du Nord-Ouest de JH, rive gauche du Mékong.

On finit par une piste pendant une heure et on atteint un village reculé aux habitations traditionnelles (maisons en bois, sur pilotis, toit en tuile, sol en bambous ou en épaisses lattes de bois, cuisine à même le sol dans un coin de la grande pièce). Sara prend des renseignements auprès des villageois, discute avec un type qui sera notre hôte pour la nuitée.
On part direct sur un sentier, en bas du village, alors que la brume se dissipe. Après avoir traversé un pont en bambou, plutôt fragile, on grimpe une pente assez raide couverte d’une forêt de bambous dont la section fait bien 12 cm et la hauteur plus de 20 m. Puis on se retrouve dans une forêt non exploitée (forêt primaire ?) où les arbres vont très haut dans le ciel, et où le sol est recouvert de fougères et d’arbustes aux branches étrangement noueuses. On teste plusieurs sentiers dont certains n’aboutissent pas.
Les jeunes ont un GPS et on suit la progression de notre itinéraire dessus… A un moment, comme il n’y a plus de sentier et qu’on ne retrouve plus comment on est venu, on casse la croute au pied d’un énorme fromager dont les racines géantes nous servent de sièges. Puis on décide de traverser la jungle (c’est un bien grand mot pour cette végétation plutôt clairsemée) pour rejoindre par un sommet le sentier de départ. La grimpette est plutôt rude et glissante (je suis devant, et Sara ferme la marche), de même pour la descente sur l’autre versant. Puis, on retrouve le sentier au bout d’une heure. Alors, on explore une autre possibilité en longeant vers l’aval le cours d’un ruisseau. On se retrouve rapidement dans une cuvette au fond d’une vallée très sombre et très humide. On se sort de là par le haut (!) en remontant une des rives et on atteint une plantation d’hévéas. On en longe les contours, et, après avoir traversé un passage délicat où des bucherons avaient taillé dans la forêt afin d’élargir la zone de plantation, et où il fallait escalader les arbres abattus, on tombe sur l’habitation des dits bucherons qui nous invitent à manger (ici, dans les campagnes reculées, on ne dit pas « bonjour », on dit « chi fa » ? (= tu viens manger ?). A partir de là, la randonnée est moins aventureuse (à part le début où il a fallu retraverser les arbres abattus avec cette fois une rivière en dessous…) : on a suivi les chemins des bucherons, puis une piste, puis une route pour retrouver notre village. En cours de route on cueille une énorme papaye qu’on déguste une fois arrivés à notre résidence.
En cours de route, on a plusieurs discussions au sujet de l’itinéraire à cause du GPS des jeunes qui indiquait à chaque point délicat une direction un peu différente de celle que je pensais. Arrivé à la maison, la jeune Shanghaïenne me demande « the GPS cheats us ? » (= le GPS nous a trompé ?) : Ben, ouais… Comme les jeunes l’avaient tripoté dans la voiture bien avant le village, et le repère du début de l’itinéraire était enregistré bien en aval du village… Comme quoi, la technique c’est bien, si on sait s’en servir. J’ai remarqué aussi que dans les zones un peu encaissées, il n’y avait plus de signal.
Pendant qu’on discute de tout ça, qu’on se débarbouille sous la douche (ici toutes les maisons ont des douches solaires, et ce qui est curieux, c’est qu’elles sont complètement construites sur l’extérieur du corps de maison), puis qu’on aille faire un tour à la seule boutique du coin qu’un papy ouvre spécialement pour nous (on y vend des bières, des savons, des cigarettes, des briquets, des sachets de condiments sous vide et c’est tout), notre famille d’accueil prépare le repas : la jeune femme accroupie devant ses gamelles qui chauffent sur des braises à même le sol de la « cuisine ».

De son côté, sur la terrasse, son père nous prépare du riz gluant pour le petit dej. : il s’agit de remplir de riz un espace de bambou ( = entre deux nœuds), de compléter avec de l’eau, de boucher l’ouverture avec un bout de feuille de bananier, de laisser reposer la nuit et de les rôtir sur le feu au petit matin.
On passe à table qu’on partage avec le maitre de maison seul, car les femmes de la maisonnée ne mangent pas avec les invités… On apprend que ce sont des Bulang (plutôt proches des Birmans), qui ont déménagés plusieurs fois et ont atterri dans ce village Dai, car ici, avec les plantations d’hévéas, il y a du boulot.Pendant notre repas, les femmes ont sorti les matelas et les couettes d’une armoire qui semble sortie de Conforama, ce qui va bien avec la large télé, mais qui détonne du reste du décor : photos de mariage et de famille et autel des ancêtres. La discussion à la lueur des braises et d’une lampe 20 w s’apaise. Vers 22h et on se couche dans la grande pièce, alors que nos hôtes vont se retrouver dans leurs chambres, c’est à dire derrière Conforama. On dort comme des souches (à ce point que je me fais bouffer par des bêtes sans même m’en apercevoir…).
Ce matin, je me réveille, alors que le jour se lève, car ça s’agite du côté du feu qu’on rallume. La jeune femme est à nouveau accroupie devant ses gamelles, avec son bébé qui trotte autour du feu elle fait frire des œufs avec les restes du repas de la veille. Je me lève (les autres prolongent la grasse mat) et je me débarbouille au-dessus du local à cochons (c’est là qu’est le coin wc/douche). Les autres dormant encore, je me fais un petit dej classique sur la terrasse alors que le soleil apparait au-dessus des collines (je me suis emporté du jus de fruit, des madeleines et du café en poudre).
Les jeunes et Sara se lèvent et on casse la croute à la chinoise dans la maison autour de la petite table : riz, gras de porc rissolé, épinards et œufs, piment si t’aime. Les bambous de riz gluant arrivent tout chauds, on déguste : un délice.
On repart sur la route après avoir quitté cette famille accueillante, et sous le soleil ! On parvient à un autre village, moins traditionnel, avec des maisons style salle de bain et des rangées d’habitations au profil militaire sévère, bâties sous l’ère de la révolution culturelle.
On quitte la route pour un sentier qui remonte une rivière. Au bout d’une heure, on aboutit à une cascade.

Mais, toutes les cascades du monde tropical se ressemblant, il n’y a pas grand-chose à raconter sinon que Sara a convaincu les jeunes de redescendre par le cours d’eau en escaladant des gros rochers, ce que je n’ai pas fait, car je tiens à mes chevilles et à mon col du fémur (mes chaussures sont comme des pneus lisses) …
Au village Mao, on attend une heure au soleil en grignotant des pistaches, qu’un minivan passe, on s’y engouffre (on est 10 dedans) et on arrive en ville à 16h. On se quitte, contents de notre escapade, en échangeant nos emails. Je fais quelques courses et me voilà de retour à l’hôtel où on a gardé ma chambre !